Le 24 juin 2022, le Conseil constitutionnel a été saisi d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) par la Cour de Cassation (arrêt n°1044 du 22 juin 2022 – M. Mounir S.).
Celle-ci concerne l’article 60 du Code des Douanes et sa conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution.
L’article 60 du code des douanes français prévoit que :
» Pour l’application des dispositions du présent code et en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes « .
Cette contestation de légalité de l’article 60 qui est à la base des contrôles douaniers, trouve son origine au jugement du Tribunal correctionnel de Bourges du 18/03/22 concernant des soupçons de blanchiment d’argent (47 000 €) découverts dans l’habillage d’une portière d’un véhicule sur l’autoroute A20, par la Douane.
L’avocat du quadragénaire a justifié cette QPC transmise au Conseil constitutionnel via la cour de cassation aux motifs suivants :
– l’article 60, entré en vigueur en 1949, n’a depuis cette date, ni été amendé, ni modifié et qui n’est selon lui, «plus adapté à l’ordre juridique». Il a rappelé que la Constitution de 1958 stipule que « l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle ».
– selon l’avocat, les contrôles des douanes sont mis en place sans le regard de l’autorité judiciaire et même sans son autorisation ; que l’espace temps durant lequel une personne est immobilisée lors d’un contrôle, parfois pendant plusieurs heures, et son véhicule fouillé, n’est soumis à aucun cadre juridique.
– le contrôle douanier n’est ni une garde à vue, ni une retenue douanière.
Aucun droit n’est notifié à la personne contrôlée durant cet espace temps.
On est là, un peu suspendu, privé de liberté, sans savoir dans quel cadre juridique on est.
Pendant ce temps, qui a duré un peu plus de trois heures pour mon client, l’autorité judiciaire n’est pas avisée, aucun droit n’est notifié. »
– l’article 60 dans son écriture « ne permet aucune mesure de coercition ».
– ce temps de contrôle porte atteinte à la liberté d’aller et venir, de surcroit sans limite de temps prévue par la loi,
– dans le droit commun (hors flagrant délit), des autorisations écrites du procureur de la République sont nécessaires pour toute fouille de véhicule lors d’un contrôle routier opéré par les forces de l’ordre.
Le Conseil constitutionnel a tenu à rappeler que :
– la jurisprudence constante de la Cour de cassation considère que les agents des douanes ne peuvent pas procéder à la visite d’un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public libre de tout occupant, ni procéder à une fouille à corps de la personne contrôlée.
– Ils ne peuvent maintenir à leur disposition l’intéressé que le temps strictement nécessaire à leur mission et ne sont autorisés à recueillir que les déclarations faites en vue de la reconnaissance des objets découverts.
– Cependant, la lutte contre la fraude en matière douanière … justifie que les agents des douanes puissent procéder à la fouille des marchandises, des véhicules ou des personnes,
– or, en ne précisant pas suffisamment le cadre applicable à la conduite de ces opérations, tenant compte par exemple des lieux où elles sont réalisées ou de l’existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre, d’une part, la recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée.
– Par conséquent, les dispositions contestées doivent être déclarées contraires à la Constitution.
– Cette inconstitutionnalité de l’article 60 ne remet nullement en cause les affaires jugées jusqu’à ce jour, ni celles futures, jusqu’à la date définitive d’abrogation des dispositions contestées de l’article 60 fixée au 1er septembre 2023.
Code des douanes (légifrance) :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/texte_lc/LEGITEXT000006071570?etatTexte=VIGUEUR