Le Forum des Administrations Fiscales Ouest-Africaines (FAFOA) et son rôle dans la gouvernance douanière

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Entretien avec Monsieur Jules Tapsoba, Expert en Fiscalité, Membre de l’AIDF / Nigeria

Propos recueillis par Monsieur Ghenadie Radu, Docteur en droit, ALTAPRISMA (formations douane et commerce international), Membre bienfaiteur de l’AIDF
Paris, le 4 mars 2025

Dr Ghenadie Radu : Merci d’avoir trouvé le temps de m’accorder cet entretien. Pourriez-vous vous présenter brièvement, s’il vous plaît ?

M. Jules Tapsoba : Économiste et Inspecteur des impôts, j’étais cadre de l’Administration fiscale du Burkina Faso pendant une vingtaine d’années, notamment à la Direction Générale des Impôts (DGI). Expert en Fiscalité, je suis actuellement Secrétaire Exécutif du Forum des Administrations Fiscales Ouest-Africaines (FAFOA / WATAF). Par le passé, et en ma qualité de Conseiller spécial du Premier ministre du Burkina Faso, j’étais chargé des questions de Finances publiques, à savoir la coordination des actions des Régies des Douanes, des Impôts et du Trésor.

Au plan international, j’ai eu plusieurs expériences professionnelles qui m’ont permis de mieux appréhender la matière douanière et fiscale (CEDEAO, UEMOA, FMI, Banque Mondiale, Union Européenne, etc.).

Dr Ghenadie Radu : Le FAFOA a été créé afin de contribuer au renforcement des capacités des Administrations fiscales et douanières grâce à une amélioration des services publics pour soutenir le développement des pays en Afrique de l’Ouest. Comment est née cette initiative ? Quels pays participent aujourd’hui à ce Forum ?

M. Jules Tapsoba : Le FAFOA est composé de 16 pays, dont 15 Pays membres de la CEDEAO et la République Islamique de Mauritanie. Pour tenir compte des récents regroupements en Afrique, on peut dire, sous réserve d’autres changements, que le FAFOA comprend les 3 pays de l’Alliance des États du Sahel, 12 pays de la CEDEAO et la Mauritanie.

La mise en place de cette organisation intergouvernementale repose sur la délibération historique des premiers responsables des Administrations fiscales lors de leur réunion du 12 septembre 2011, qui s’est tenue à Abuja au Nigeria. Ces responsables ont signé, selon le niveau d’engagement du pays, un accord de coopération fiscale à l’échelle de la région Ouest-Africaine. En effet, il faut noter que si pour le Nigeria l’accord est signé par le Président de la République Fédérale, pour les autres pays comme le Burkina Faso, le Mali, le Niger ou la Cote d’Ivoire, l’accord est signé par le Ministre en charge des Finances et pour certains autres pays comme la Guinée et le Togo, la délégation de signature de l’accord est concédée au Directeur Général des Impôts ou au Commissaire Général de l’Office.

A l’échelle de toute l’Afrique, il convient de noter la création, une année plus tôt (2010), du Forum des Administrations Fiscales Africaines (ATAF / African Tax Administrations Forum). L’Accord du FAFOA souligne qu’il doit faciliter l’adhésion des Administrations fiscales Ouest-Africaines à l’ATAF. Pour renforcer la synergie d’action entre les deux organisations, un mémorandum de coopération est signé avec des mises à jour biennales.

Toutes les Administrations Fiscales de l’Afrique de l’Ouest qui sont signataires de l’Accord FAFOA ont la qualité de « membres ». Le FAFOA accepte également des « membres associés », ainsi que des partenariats avec des institutions et d’autres organisations. A ce sujet, le FAFOA, en tant que structure indépendante, a signé au dernier trimestre 2024 un mémorandum de coopération avec la CEDEAO en vue d’harmoniser, dans la zone Ouest Africaine, leurs actions au profit des Administrations fiscales et douanières. La même démarche est en cours auprès de la Commission de l’UEMOA.

Par ailleurs, il faut noter que le groupe des pays membres constitué du Ghana, du Nigeria, du Liberia, de la Gambie, de la Sierra Léone et du Togo, développe systématiquement des activités au profit des Douanes et des services des Impôts en raison de leur organisation sous forme d’Offices. En revanche, dans le modèle traditionnel où les Douanes sont séparées des services des Impôts, les activités du FAFOA n’associent pas systématiquement les Douanes.

Dr Ghenadie Radu : La mission fiscale des Administrations douanières se manifeste principalement par la collecte des droits de douane et diverses taxes liées au passage de la frontière. Quel rôle pourrait jouer le FAFOA en matière de gouvernance douanière ?

M. Jules Tapsoba : Avant toute chose, je tenais à souligner le fait que les services des Douanes et les services des Impôts font partie de la famille de « Régie financière ». En dépit de la spécificité des tâches de chacun de ces services, la synergie d’actions communes s’est révélée nécessaire pour l’optimisation des recettes.

Le FAFOA reste conscient du rôle qu’il peut jouer pour les Administrations Fiscales Ouest-Africaines afin de renforcer leur coopération et de promouvoir l’amélioration de la gouvernance fiscale au profit des deux structures. Cet engagement facilitera notamment une meilleure qualité des services rendus aux usagers, la sensibilisation des contribuables, l’utilisation effective d’outils ou de systèmes automatisés de gestion de facturation, l’échange de données fiscales et douanières, la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale.

Pour les années à venir, le FAFOA prévoit des activités de renforcement des capacités en matière de contrôle, de gestion des ressources humaines, de TVA, de gestion des dépenses fiscales et de coopération avec la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). Ces activités, qui impliquent à la fois les services des Impôts et des Douanes, vont contribuer à renforcer la gouvernance fiscale et douanière. A titre d’illustration, la mission d’assistance technique réalisée en Guinée Bissau, du 13 au 27 janvier 2025, sur la gestion de la TVA et des taxes foncières a réuni les agents des Impôts, des Douanes et ceux du ministère des Finances.

Dr Ghenadie Radu : Qu’en est-il de l’harmonisation des pratiques liées à la collecte douanière entre les États participants au FAFOA ?    

M. Jules Tapsoba : Cette question me permet de rappeler les principaux objectifs du FAFOA. Aux termes des dispositions de l’article 5 de l’Accord instituant le FAFOA, les objectifs accordent une grande importance à l’harmonisation des politiques fiscales, à savoir :

a) promouvoir une grande collaboration et l’échange d’informations entre les Administrations Fiscales des États Membres de l’espace Ouest-Africain.

b) œuvrer pour une harmonisation des politiques fiscales des États Membres de l’Afrique de l’Ouest et de leurs positions au sein de l’ATAF et dans d’autres organisations fiscales internationales. 

c) œuvrer pour la prise en compte des besoins et des expériences des États Membres de l’Afrique de l’Ouest dans les décisions des organes traitant des questions fiscales au plan international et multilatéral.

d) œuvrer de concert avec toutes les organisations sous régionales notamment la Commission de la CEDEAO, la Commission de l’UEMOA, pour l’adhésion au FAFOA de tous les États Membres ou Membres Associés de l’Afrique de l’Ouest. 

e) inciter tous les États Membres du FAFOA à adhérer au Forum de l’Administration Fiscale Africaine. »

Quatorze ans après la création du FAFOA, la vision et les missions de ce Forum devraient évoluer pour prendre en compte les enjeux de la gouvernance fiscale au niveau de chaque pays membre au plan régional et international. Le changement de paradigme concerne notamment la mise en place d’une initiative, au sein du FAFOA, pour élaborer des systèmes modernes de gestion et mettre en place des mécanismes de financement endogènes.

Le FAFOA vise à devenir une référence en matière de fiscalité, pour être un facilitateur en matière de coopération fiscale, une institution en charge de la coordination de la gestion de la fiscalité transfrontalière à travers les textes et les actions harmonisées qui soutiennent les économies nationales et renforcent l’intégration des économies au plan régional. L’harmonisation des pratiques liées à la collecte douanière entre les Etats participants au FAFOA, quant à elle, est étroitement liée à l’harmonisation fiscale et autres initiatives de coopération en la matière entre les pays participants au FAFOA.  

Le mot de la fin 

M. Jules Tapsoba : Le FAFOA, structure internationale indépendante dotée de la personnalité morale, est pleinement engagé à l’accomplissement de ses missions et à l’atteinte des objectifs fixés. Le succès des activités du FAFOA dépend de l’engagement des pays participants, et notamment de l’action des responsables des Administrations fiscales et douanières. Le FAFOA, dans son rôle de renforcement de capacités, permet de se diriger vers plus de coopération entre les Nations. A l’instar de certaines Administrations fiscales, le FAFOA reste aussi ouvert à une collaboration avec les entreprises, car dans une économie ou le secteur privé est le moteur de développement, la synergie de diverses actions en la matière favorise, in fine, la création de richesses.

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