La Douane et la lutte contre la contrefaçon (Entretien Altaprisma)

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Entretien avec Madame Delphine Sarfati-Sobreira, Directrice générale de l’Union des Fabricants (UNIFAB)
Propos recueillis par Monsieur Ghenadie Radu, Docteur en droit, ALTAPRISMA (formations douane et commerce international), Membre bienfaiteur de l’AIDF
Paris, le 2 mars 2025

Dr Ghenadie Radu : Merci d’avoir trouvé le temps de m’accorder cet entretien. Pourriez-vous vous présenter brièvement, s’il vous plaît ?

Mme Delphine Sarfati-Sobreira : Je suis Directrice générale de l’Union des Fabricants (UNIFAB), une association de promotion et de défense du droit de la propriété intellectuelle, qui regroupe plus de 200 entreprises issues de tous les secteurs d’activité. L’UNIFAB est organisée autour de 4 principales missions :

  • la sensibilisation du grand public par la création et la diffusion de campagnes de communication destinées à informer les consommateurs des effets et des conséquences de la contrefaçon sur la santé, la sécurité, l’économie, l’emploi, l’environnement ;

  • la formation des agents opérationnels de la Douane, de la Police, ainsi que de la Gendarmerie ;

  • la collaboration avec le gouvernement français, puisque l’UNIFAB est placée sous tutelle des ministères de l’Intérieur et de l’Industrie, la coopération avec les Institutions européennes (Commission, Parement) et autres gouvernements de par le monde ;

  • des dialogues et échanges quasi-quotidiens avec les plateformes d’e-commerce, les réseaux sociaux, ainsi que les moteurs de recherches pour trouver des solutions afin de freiner la prolifération des faux produits sur Internet.

Dr Ghenadie Radu : Comment pourriez-vous définir le phénomène de la contrefaçon. Pourquoi il est si important de lutter contre ce phénomène ? Quel rôle joue la Douane dans la lutte contre la contrefaçon ?

Mme Delphine Sarfati-Sobreira : Par contrefaçon on peut entendre toute reproduction, imitation ou utilisation, totale ou partielle, d’un droit de propriété intellectuelle sans l’autorisation du titulaire légitime. Elle constitue une violation des lois protégeant l’innovation et la création. La contrefaçon est donc une pratique illicite qui consiste à fabriquer, distribuer ou commercialiser des produits imitant frauduleusement des biens authentiques protégés par des droits de propriété intellectuelle. Elle porte atteinte aux entreprises légitimes en générant des pertes économiques, en faussant la concurrence et en réduisant les incitations à l’innovation. Au-delà d’une simple infraction économique, la contrefaçon est un phénomène mondial qui alimente l’économie souterraine et représente un danger pour la santé et la sécurité des consommateurs. Présente dans des secteurs variés (médicaments, pièces automobiles, jouets, vêtements, chaussures, produits de maroquinerie, etc.), elle favorise également le financement de réseaux criminels et affaiblit la confiance dans les circuits commerciaux légitimes.

Force est de constater que le phénomène de la contrefaçon ne cesse de croitre ! En 4 ans les chiffres des saisies douanières en France ont été multipliés par 4, pour atteindre 20 millions de contrefaçons stoppées en 2023 ! Cette recrudescence a été permise, notamment, par la démocratisation des achats en ligne qui constituent une brèche importante pour les contrefacteurs qui arrivent à duper les consommateurs en les berçant d’illusions avec des produits douteux et dangereux pour leur santé et leur sécurité.

En France, selon un sondage récent réalisé par l’Institut Français d’Opinion Publique (IFOP), environ 34% des consommateurs ont déjà acheté une contrefaçon en pensant qu’il s’agissait d’un produit authentique. Dans ce cas, la peine est double : le consommateur paie le prix du produit pour, in fine, obtenir une contrefaçon, qui ne vaut rien, et qui en plus peut représenter un réel danger.

Lutter contre ce phénomène revient à protéger les consommateurs, préserver l’économie et le patrimoine intellectuel des Nations, ainsi que l’environnement, car il faut bien se rendre à l’évidence, ces produits sont fabriqués pour la plupart à des milliers de kilomètres et acheminés par des petits colis dans de nombreux envois qui occasionnent un bilan carbone désastreux.

Il faut également avoir à l’esprit que ce sont plus de 6,7 milliards d’euros de pertes de ventes directes et environ 38 000 emplois supprimés chaque année, rien qu’en France ! Je vous laisse imaginer les chiffres à l’échelle de l’Europe et à celle du monde.

La Douane joue ici un rôle capital. Elle est la gardienne des frontières, du respect des normes et du paiement des taxes. Les formations que l’UNIFAB dispense aux agents opérationnels permettent de renforcer leurs compétences afin qu’ils puissent reconnaître plus facilement un vrai produit d’un faux. Les tâches de ces agents se complexifient avec le contrôle des millions de petits colis qui transitent chaque jour par les centres de tri postaux. Cette tendance les oblige à redoubler de vigilance et à cibler plus précisément les marchandises à contrôler.

Dr Ghenadie Radu : Quels sont les principaux dispositifs mis en place par la Douane pour lutter contre la contrefaçon ?

Mme Delphine Sarfati-Sobreira : Pour agir, la Douane doit être mandatée par les titulaires de droits. Déposer une demande d’intervention auprès de la Douane est donc indispensable. Les marques, par ce biais, avertissent les agents de terrain que leurs produits sont régulièrement copiés. Les informations contenues dans ces demandes sont précieuses et permettent de pouvoir confirmer ou infirmer le caractère contrefaisant d’un produit en justifiant du dépôt de la marque, de la forme ou du modèle de celui-ci. Dans certains cas complexes, les douaniers peuvent recourir à l’aide de l’UNIFAB pour obtenir avec certitude la réponse concernant le caractère contrefaisant ou authentique des produits soumis au contrôle. Ceci étant, il est important de préciser que seule la marque peut être qualifiée d’experte et attester à 100% de l’origine du produit. D’ailleurs, le procédé est maintenant très bien rodé, puisque les entreprises peuvent effectuer cette authentification à distance en disposant de photos précises des produits.

Pour faciliter les ciblages performants, certaines entreprises fabricantes mettent à la disposition des douaniers des solutions de traçabilité et d’authentification qui permettent une reconnaissance instantanée.

Dr Ghenadie Radu : Comment la Douane collabore-t-elle avec les entreprises et les autres acteurs pour détecter et saisir les produits contrefaits ? Quels sont les défis majeurs rencontrés par la Douane dans l’identification et l’interception des marchandises contrefaites ?

Mme Delphine Sarfati-Sobreira : Comme évoqué plus haut, les formations sont une mine de savoirs que les marques fournissent aux agents de terrain pour aiguiser leurs connaissances dans la détection de produits de contrefaçon. Avec les membres de notre association (UNIFAB), nous coordonnons environ une cinquantaine de formations chaque année, ce qui représente près de 1000 agents formés et sensibilisés aux problématiques de la contrefaçon. Cette pratique illustre parfaitement la coopération fructueuse qui unie les secteurs privé et public dans cette lutte.

Les défis majeurs rencontrés par les douaniers sur le terrain portent principalement sur l’introduction des marchandises illicites sur le territoire et cela via différents biais :

  • l’assemblage, qui consiste à expédier en pièces détachées les produits et les assembler sur le lieu de mise sur le marché, dans des ateliers clandestins ;

  • les nouvelles appellations. Je pense notamment aux « dupes » qui font croire qu’un produit est l’équivalent d’un autre, de grande marque, beaucoup moins cher, alors qu’il n’y a aucun lien entre les deux et qu’il ne correspond à aucune norme de conformité ou de sécurité.

Le mot de la fin :

Mme Delphine Sarfati-Sobreira : Il est important de continuer cette collaboration entre l’UNIFAB et la Douane qui, par son travail, fait respecter les droits des entreprises créatives et innovantes, et assure la sécurité des consommateurs. Ce travail collectif doit continuer et s’inscrire dans la durée.

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