Éditorial de M. Ernesto Ottone Ramírez
Sous-Directeur général de l’UNESCO pour la culture
Au printemps dernier, la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a mis le monde entier à l’arrêt. Le trafic illicite des biens culturels, lui, n’a pas cessé. Au contraire. Les trafiquants de biens culturels ont profité du relâchement de la surveillance des sites archéologiques et des musées pour se livrer à des fouilles sauvages et des vols, en toute impunité.
Les chiffres le montrent : l’attrait pour les mosaïques, les jarres funéraires, les sculptures, les statuettes ou les manuscrits anciens n’a jamais été aussi fort. Cette pression de la demande contribue à alimenter le marché illégal des œuvres d’art et des antiquités qui s’opère désormais en grande partie en ligne, via des plateformes souvent peu regardantes sur la provenance d’origine des objets.
Certaines organisations criminelles et terroristes se sont engouffrées dans cette brèche afin de financer leurs activités ou de blanchir leurs revenus. Dès 2014, Daech a ainsi organisé un pillage massif et méthodique des sites archéologiques et des musées dans les régions de Syrie et d’Iraq passées sous son contrôle.
Les flux illicites de biens culturels figureraient aujourd’hui au troisième rang en termes de volumes après la drogue et les armes. Enjeu culturel, ce commerce de l’ombre, qui prospère dans les zones en proie aux conflits, est aussi devenu une menace pour la paix et la sécurité internationale.
La Convention de 1970 de l’UNESCO sur le trafic illicite des biens culturels, qui célèbre cette année son cinquantième anniversaire, est plus que jamais décisive dans cette lutte. En un demi-siècle, beaucoup a été accompli pour élaborer des lois préventives, former des professionnels, renforcer la coopération internationale ou encourager le retour d’œuvres volées ou illicitement exportées. La prise de conscience du préjudice culturel, moral et matériel causé par ce trafic illicite, désormais reconnu comme crime de guerre par les Nations Unies, en témoigne. En témoigne également la décision prise par les États membres de l’UNESCO de célébrer tous les ans, le 14 novembre, la journée internationale de lutte contre le trafic illicite des biens culturels.
Mais la difficulté de juguler le trafic en ligne, la faiblesse des sanctions pour les fraudeurs ou encore la vulnérabilité des zones exigent aujourd’hui une nouvelle mobilisation internationale.
Pour de plus amples informations, visitez le site de l’UNESCO : https://fr.unesco.org/